Insaisissabilité des meubles corporels nécessaires à l'exercice de la profession d’une personne physique – Non applicable à une personne morale -  Pas de discrimination.

Extrait de l’arrêt n° 52/2016 du 24 mars 2016 de la Cour Constitutionnelle

(…)

I. Objet de la question préjudicielle et procédure

Par ordonnance du 4 mai 2015 en cause de la SPRL « V.C. » contre la « Caisse d’Assurance Accidents du Travail - SECUREX », dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 22 mai 2015, le juge des saisies du Tribunal de première instance du Brabant wallon a posé la question préjudicielle suivante :

« L’article 1408 du Code judiciaire, interprété comme le suggèrent les travaux

préparatoires, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu’il ne viserait que la personne physique saisie ? ».

(…)

B.2. Il ressort de la décision de renvoi que le juge a quo doit se prononcer sur la validité d’une saisie-exécution mobilière portant sur six véhicules appartenant à une SPRL, et qui, selon la demanderesse, sont nécessaires et indispensables à l’exercice de sa profession.

La Cour limite dès lors son examen à l’article 1408, § 1er, 3°, du Code judiciaire en ce qu’il ne vise les biens indispensables à la profession du saisi que si le saisi est une personne physique.

B.3.1. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 14 janvier 1993 « modifiant le titre Ier, règles préliminaires et le titre III, des exécutions forcées, de la Ve partie du Code judiciaire concernant les saisies conservatoires et les voies d’exécution et modifiant l’article 476 de la loi du 18 avril 1851 sur les faillites, banqueroutes et sursis » que le législateur a, comme lors de l’élaboration du Code judiciaire, eu pour objectif « de tenter de réaliser un juste équilibre entre la fermeté dont peut faire preuve le créancier qui se heurte à la carence, sinon à la malhonnêteté de son débiteur et la juste mesure que l’humanité comporte » (Doc. parl., Chambre, 1989-1990, n° 1114/1, p. 1).

(…)

B.6. Cette différence de traitement est fondée sur un critère objectif, plus précisément la nature juridique – personne physique ou morale – du propriétaire des biens protégés.

Il ressort des travaux préparatoires cités en B.3 que l’objectif de cette disposition est de préserver la dignité humaine et de lutter contre la pauvreté.

Au regard de cet objectif, il est justifié de ne protéger les biens indispensables à l’exercice de la profession que s’ils appartiennent à une personne physique. Une telle mesure est pertinente au regard du but poursuivi, sans qu’il soit nécessaire d’accorder une même protection aux personnes morales, compte tenu, par ailleurs, du caractère dérogatoire de la mesure qui justifie une stricte interprétation. De plus, en permettant à des personnes physiques de créer une personne morale et d’affecter ainsi certains biens pour constituer le patrimoine de cette personne morale, le législateur leur permet de mettre leur patrimoine privé à l’abri des aléas financiers de leur activité professionnelle, ce qui est une autre manière d’atteindre le but poursuivi. Par ailleurs, la protection dont bénéficie la personne physique est limitée à 2 500 euros. La différence de traitement en cause n’a donc pas d’effets disproportionnés.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

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Le droit est l'art du bien et de l'équitable